Il y a des gens qui sont faits pour être parents. Ils se rencontrent, tombent amoureux et plus tard, pour sublimer cette histoire, décident de devenir une famille. Lily-Jo est passée par des dizaines de foyers différents et n'a pourtant jamais connu ce schéma là.
La série noir a d'abord commencé en 1989 avec ses parents biologiques. Jeunes ados imprudents, ils s'étaient retrouvés avec un bébé sur les bras à seize ans. Entre le peu de revenus et de qualifications pour ce rôle, cela avait valut à Lily-Jo de se retrouver sur les marches d'une église à quelques mois à peine.
Etant encore un nourrisson, elle ne passa pas par la case orphelinat, les nouveaux-nés étant le plus recherchés. Elle tomba sur le couple Miles et pendant un temps, connut une vie tout ce qu'il y a de plus normale. Elle était très proche de son père adoptif, assistant médical dans un cabinet d'analyses. Sa mère adoptive était une femme calme, un peu effacée mais qui lisait des histoires le soir et adorait faire des gâteaux, que Lily-Jo, grande amatrice de salé, mangeait autant qu'elle pouvait. Il y avait pourtant quelque chose de fragile dans ce foyer, un certain malaise chez cette femme, et cela se détériora légèrement quand Luc Miles décida au dixième anniversaire de sa fille, qu'il était temps de lui dire la vérité sur ses origines, et cela contre l'avis de sa femme. Lily-Jo s'en formalisa à peine. Elle aimait son foyer, était une enfant intelligente pour son âge et savait que sa vie était mieux ainsi. Elle comprit mieux certains aspects de sa vie, mais rassura ses parents, elle n'avait nullement l'attention de connaitre ses géniteurs. Mais malgré ça, quelque chose changea dans le regard et l'attitude de sas mère. Et alors qu'elle tentait à nouveau de tomber enceinte un an plus tard, Luc mourut d'un infarctus.
Cet événement signa le début de la fin de la présence de Lily-Jo au sein du foyer Miles. La mort de son père la bouleversa tellement qu'elle ne broncha pas quand sa mère la déposa aux portes d'une bâtisse avec une petite valise quelques jours plus tard, en lui disant de l'attendre. Lily-Jo resta une fois de plus sur des marches, scrutant le retour de sa mère jusqu'à ce que la porte s'ouvre derrière elle et qu'une vie en compagnie de cette même petite valise ne commence.
Le monde des familles d'accueil n'est pas vraiment le lieu idéal pour grandir en s'épanouissant, et pour certains enfants, cela peut être un véritable enfer. C'est pour cela que Lily-Jo fugua à dix-sept ans ans d'un énième foyer où les coups pleuvaient comme d'ordinaire. Clairement les conditions de vie dans la rue n'étaient pas digne d'un grand palace, mais Lily-Jo, en ado rebelle et détruite, n'était pas prête à attendre sa majorité et trouvait qu'elle pouvait très bien prendre sa vie en main.
De là ont évidemment commencé les séries de vols, d'effractions malheureusement nécessaires à sa survie. Ce fut lors de ces deux années d'errance qu'elle apprit à penser les plaies et rafistoler les gros bobos. Les coups partent facilement dans les squats si une couverture est en jeu. Elle y fit la connaissance de Russell et de sa bande, avec qui elle resta jusqu'à son entrée à Statton. Mais bien qu'il sache se montrer charmant quand l'envie lui prend, Russell n'est pas quelqu'un que l'on quitte aussi facilement. Lily-Jo l'a comprit à ses dépends quand sa conscience a commencé à la rattraper. Elle allait rentrer dans la vingtaine sous peu et sa vie ne la menait nulle part. Elle avait fuit le système pour se donner la chance d'avoir une existence meilleure le moment venu, mais elle s'était laissée prendre dans un tourbillon malsain plus longtemps que prévu. Mais son départ était loin de faire parti des plans de Russell. Ce jour là, Lily-Jo fut marquée à vie, et c'est avec des plaies encore à vif qu'elle prit le premier train en direction de Pagford pour aller plaider sa cause au directeur.
[...]
C'était comme une évidence de se retrouver devant ces grilles. Quand un enfant placé dans un institut à la chance de s'en sortir, il a beau avoir détesté l'endroit à son arrivée et dans les premiers temps, à sa sortie, il éprouvera un lien très fort avec ce lieu.
Pourtant, malgré son départ trois ans plus tôt, ses études brillamment réussies et une vision de la vie bien meilleure, Lily-Jo se sentit à nouveau comme une adolescente quand l'intendant vint lui ouvrir. Elle avait l'impression d'avoir son sac à dos pourri sur l'épaule et de triturer son long tee-shirt plein de trous, en le suivant jusqu'à chez le directeur. Six ans plus tard, c'était son chemisier et son tailleur qu'elle remettait en place.
Pourtant il était pratiquement certain que le poste était pour elle. Mais à nouveau entre ces murs, elle avait la sensation que son passé allait jouer contre elle. Elle savait que malgré son avancée, elle n'était pas quelqu'un de très avenant et, lui confier les soins des enfants, pouvait paraître étrange. C'était pour ça qu'à ses yeux, Statton était un endroit important. Car il permettait un nombre de choses inimaginables pour ces jeunes, que ça soit pour leur présent ou leur avenir.
[...]
Une deuxième année au sein de l'établissement bien entamée. Des liens qui se créent avec certains élèves. Des collègues avec qui l'on passe un peu plus de temps. Une tête un peu plus relevée dans les couloirs. Un premier chamboulement avec la découverte et la rencontre avec Gareth. Et un deuxième avec sa mort. Un trou dans la poitrine, impossible de respirer. Une envie de fuite quasi immédiate. Et puis son regard qui brouille tout à coup vos pensées. S'asseoir sur son lit, perdue. Essayer de reprendre son souffle. Tenter un tant soit peu de réfléchir à tout ça.
Mais former une pensée cohérente est dure. Charles est mort. Et c'est tout.