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Sujet: You got what you want not what you need °{ Caleb Mer 10 Fév - 18:31
T'as pas envie de te lever. T'es là, allongé dans ton lit, la fumée de ta clope qui s'élève jusqu'au plafond, étalant sa blancheur dans la clarté matinale. T'as pas envie de te lever, de descendre, d'ouvrir la boutique, de le voir, d'y penser, d'analyser le cœur qui bat, les yeux qui fixent, l'envie de l'encercler, de le protéger, de lui dire, reste, tiens moi la main et surtout me lâche pas. T'as pas envie de lui dire ça, tu ne pourrais pas de toute façon, ça t'est impossible, comme si ce n'était pas toi, un autre, étranger à ton corps, ton cœur, qui est ton regard et tes pensées mais qui n'est sûrement pas toi. T'as pas envie de te rendre compte que la colère a disparu, qu'elle s'est envolée, évaporée, comme de l'eau trop ébouillantée après tant d'années. T'as pas envie de voir que tout ce qui te composait est parti en fumée, n'a laissé que du vide, un creux. Le néant.
Non, t'as pas envie de te lever, et pourtant.
Pourtant tu te redresses, écrasant ta clope, la broyant comme si c'était ton cœur, files sous la douche, prends ton petit-dej. Tu fais comme tous les jours, comme si il n'y avait rien, comme si tu existais encore. Tu esquisses les gestes qui sauvent, les gestes qui restent, comme un robot mal huilé, tu préserves ce qui te reste encore même si il ne te reste rien. Tu inspires, tu descends à la boutique. Il était à l'heure, il était planté là, cela t'étonnait – non pas à cause de son habitude à venir après l'ouverture (pas seulement du moins), mais parce qu'après « ça », tu ne pensais tout simplement qu'il viendrait. Tu te contentes de dire bonjour, du bout des lèvres, sans vraiment y penser, tu fuis son regard, tu fuis l'histoire, tu fuis le monde et tu te fuis toi-même. Tu attends les clients, pour te sauver, pour vous sauver, les clients qui ne viennent pas, qui tardent, et le silence s'allonge comme un élastique qui refuse de craquer, de lâcher prise. Un peu comme vous, au final. « Tu t'occupes des commandes ou tu préfères que ce soit moi ? Monsieur Kyle est très exigeant après tout, même envers moi... » Que tu proposes, un peu hésitant. Tu priais pour qu'il ne remarque pas ton changement, ce vide dans ta cage thoracique, ce drôle de sentiment au creux de ton ventre, tu priais pour être aussi impassible que d'habitude, pour que rien ne change, pour que tout cesse de changer. Pour que tout ne soit plus que vide, et pas seulement toi.